« Sang Négrier », un univers fantastique, d’après le texte glaçant et captivant de Laurent Gaudé, tiré de la « Nuit Mozambique ». Cette pièce a quelque chose de rare, elle aborde le thème de l’esclavage. Une belle mise en scène de Khadija El Madhi est sobre, précise, virevoltante, sans aucun temps mort…Un véritable travail d’orfèvre qui met en avant un déni de l’histoire. Allié à une scénographie dépouillée qui se limite à un bois dressé symbolisant tour à tour le bateau ou la chambre dans laquelle le capitaine va se terrer. Interprété de manière singulière et magistrale par Bruno Bernardin, seul en scène, qui rend intelligemment et sensiblement cette déchéance de celui qui était le maître et qui devient progressivement esclave de sa haine, puis de ses peurs. Et de se dissimuler pendant un temps derrière un masque comme s’il était besoin de dissimuler à nos yeux la cruauté de l’humanité ou plutôt pour mieux nous la faire voir…Ce jeu de masques nous met aux prises avec les affres de l’âme humaine. L’intrigue est simple : Alors que le navire est chargé de sa « marchandise » humaine vient de quitter Gorée, le capitaine décède du scorbut. Le lieutenant prend le commandement. Lors d’une escale à Saint-Malo, cinq esclaves s’échappent de la cale d’un bateau négrier. Au cours de la chasse à l’homme qui laisse éclater toute la cruauté dont sont capables les hommes, toute la ville part à leur recherche. Tous sont rattrapés, il en reste toujours un qui manque à l’appel au grand dam du capitaine du bateau. La crédibilité du lieutenant est remise en cause. Ne supportant pas cet échec, l’homme sombre peu à peu dans la folie. L’esclavagiste passe d’un sentiment de toute puissance à l’état de bête traquée. Les rôles sont inversés, le chasseur est devenu la proie…Un vibrant plaidoyer pour la dignité humaine…Il y a tellement de finesse, d’inventivité, de profondeur…Absolument saisissant…Ne manquez pas ce spectacle !